Dans la dernière news vous pouviez admirer les plongeons arctiques et catmarins en train de gagner leur magnifique plumage nuptial. Ils mettent leurs habits de lumière avant de partir en migration pour arriver en beauté sur leurs sites de nidification.
Qui dit « plumes neuves » dit « balise qui tient longtemps ». En effet les balises GPS sont scotchées sur les plumes du dos des oiseaux plongeurs de manière à ce qu’elles restent temporaires. Elles tombent en général avec la mue des plumes.
Puisque les plongeons avaient pour certain déjà mué, ils ont emmené leur balise en migration, et nous avec !

Trajectoires des plongeons arctiques et catmarins équipés de GPS durant leur hivernage dans le nord de la France. Source : MIGRATLANE
Ainsi nos chers plongeons hivernants de la côte d’Opale sont originaires de Scandinavie et 5 d’entre eux préparent désormais leur nidification en Norvège, en Suède et en Finlande.
En fait, l’un d’eux a déjà commencé à nicher. Nous avons mené l’enquête pour vous, en commençant par étudier les localisations GPS. Celles-ci pointent très régulièrement sur un petit îlot au milieu d’un lac.

L′enquête avance !
Hors les plongeons n’ont aucune raison de se rendre à terre si ce n’est pour rejoindre leur nid. Si vous en doutez, regardez cette vidéo d’un plongeon imbrin qui se déplace sur terre : https://www.youtube.com/watch?v=XkQeJzJ2k3E
On peut dire que ça demande du courage ! C’est d’ailleurs de là que vient le nom étasunien des plongeons, « loon », autrement dit « dingue » ou « idiot », pour l’impression qu’ils laissent lorsqu’on les voit se dandiner sur leurs 2 pattes, parfaitement adaptées à la natation mais bien trop en arrière du corps pour une locomotion terrestre détendue.
Comme ils ne sont pas si idiots que ça, les plongeons construisent leur nid le plus proche possible de l’eau, voire même comme une sorte de radeau végétal entouré d’eau (comme peuvent le faire les grèbes huppés par exemple)

Et si l’on n’était pas encore sûr que ce plongeon ne s’entraine pas tout simplement à la randonnée pédestre, nous pouvons pousser l’enquête encore plus loin grâce aux données fournies par l’accéléromètre et le capteur de plongée inclus dans la balise. L’accéléromètre mesure l’activité de l’oiseau (ses mouvements d’accélération en 3D) et le capteur de plongée s’active dès que l’oiseau s’immerge et mesure la profondeur d’immersion. Ces deux « biologgeurs » combinés nous apportent ainsi la preuve quasi-irréfutable que ce plongeon couve !
Ainsi sur la figure ci-dessous on peut voir très clairement de longues phases d’inactivité (courbes plates ou presque et aucune plongées), entrecoupées de phases d’activité (les courbes s’affolent et on observe des profils de plongées).
Les phases de repos correspondent au repos nocturne, mais elles sont aussi très longues durant la journée, ce qui est le signe que l’oiseau couve ses œufs sur son nid. Chez les plongeons les deux parents assurent la couvaison, ce qui leur permet de se dégourdir les pattes et pêcher chacun leur tour en journée (phases d’activités ou les plongeons font ce qu’ils savent faire le mieux, plonger).
Et enfin en regardant les données GPS, on vérifie que les phases d’inactivité correspondent bien à des localisations à terre, au bord d’un îlot, toujours au même endroit.

L′enquête se conclue ! Source : données MIGRATLANE
Grâce à ses données, nous devrions savoir lorsque les poussins auront éclos ! Puisque les poussins quittent le nid presque aussitôt après leur sortie de la coquille pour voguer avec leur parents, les phases d’inactivité diurnes disparaitront des données d’accélérométrie.
Bien que ce ne soit pas l’objectif du programme MIGRATLANE d’espionner à distance les plongeons en période de nidification, cette enquête au fil des données nous montre la puissance de la télémétrie et des capteurs biologiques embarqués. Un vrai travail de détective !